Explorer et affiner ses sensations : le protocole Zéphyr peut vous aider !


Aux origines.
Je suis intimement convaincu de deux choses (et surtout je l’ai observé de nombreuses fois sur le terrain) :
On peut progresser, atteindre ses objectifs et performer (même au plus haut niveau) dans les sports d’endurance, avec un entraînement principalement basé sur le ressenti
Une séance efficace pouvoir se réaliser n’importe où, et facilement : éliminer le facteur logistique, c’est garder notre énergie pour autre chose. Notamment pour la course à pied.
Cette conviction ne signifie pas qu’il ne faille jamais mesurer, utiliser de datas ou calibrer de manière plus précise une séance d’entraînement : c’est parfois indispensable à la progression. Mais cela ne l’est pas toujours : on peut souvent faire différement, c’est même parfois le plus efficace sur le moment.
Depuis des années, j’avais pas mal de protocoles orientés, certains au RPE, certains calibrés à l’allure ou après testing : je vous les ai pour la plupart présentés dans mon livre La prépa physique de l’endurance.
Pour autant, rien n’est jamais figé, et on doit sans cesse évoluer, pas tant par principe, mais surtout pour répondre aux besoins des sportifs que l’on accompagne.
Répondre à une problématique.
Or j’étais confronté à une problématique: celle d’arriver à intégrer le travail au tempo sur des chemins vallonnés. Par vallonné, disons 200 à 300 m de dénivelé positif et négatif pour 10km, avec des changements de terrain. Notez qu’il peut très bien être utilisé sur terrain plat, évidemment.
Le tempo c’est un peu mon cheval de bataille pour la plupart des sportifs d’endurance, je l’affectionne depuis de nombreuses années (vous découvrirez pourquoi dans cet article que j’ai écrit pour mon ami Sean ).
J’avais donc un système qui fonctionnait bien sur le roulant (le protocole Chronos) et un autre en montée (le protocole Jason), et qui restent toujours diablement efficaces s'ils sont bien amenés.
Mais pas grand chose entre les deux : j’ai eu la puce à l’oreille lorsque certains sportifs de bon niveau arrivaient à passer Chronos sur des parcours vallonnés, quand d’autres étaient en difficulté : il me fallait donc une variable d’ajustement entre les deux.
Avec comme cahier des charges : un truc simple, facile à comprendre et à mettre en place… mais pas forcément facile à maîtriser dès le début (je construis souvent mes protocoles dans cet esprit, pour aider les sportifs à explorer leurs sensations, et à apprendre à chaque séance.
Et voici le protocole Zéphyr
Comme tous mes protocoles, je l’ai construit de cette manière :
Partir d’une feuille blanche : de quoi les gens ont besoin ?
En quoi ce qui existe déjà n’y répond pas (rasoir d’Ockham) ?
Le prototype papier : comment construire un schéma de progression qui amènera l’acquisition de nouvelles compétences, en sécurité et de manière durable ?
Le prototype terrain (phase 1): j’ai testé les premières séances, vu ce qui ne collait pas et ajusté. Puis j’ai retesté
Le prototype terrain (phase 2) : une fois les premières séances réalisées, je l’ai proposé à 4 ou 5 sportifs expérimentés que j’accompagne (et avec qui je suis en confiance et qui accepteront d’essuyer les plâtres et de me faire des retours objectifs), tout en continuant à le terminer de mon côté
La mise en place : une fois que tout le monde avait terminé le test et fait ses retours, je l’ai proposé aux personnes que j’entraîne et qui en avait le besoin.
A ce jour, je peux affirmer qu’il est très efficaces : à vue de nez, plus de 40 personnes l’ont déjà expérimenté, et il a répondu à ce que l’on attendait, à la fois côté entraîneur et côté sportifs.
Ce n’est pas un niveau de preuve très élevé, je ne vais pas en faire une publication scientifique et encore moins attendre l’aval “d’experts” : ce qui m’intéresse, c’est que les gens que j’accompagne progressent : c’est le niveau de preuve le plus haut qui existe à mes yeux.
De votre côté, si vous vous l’appropriez, vous vous ferez votre propre opinion.
En quoi ça consiste ?
Dieu du vent d’ouest, annonciateur du printemps, Zéphyr était réputé comme le plus doux des quatre dieux du vent, mais il était aussi capable d’être orageux. C’est l’objet de ce protocole, accélérer progressivement pour terminer assez rapidement, mais pas dans la tempête, afin d’affiner vos sensations.
Le but du protocole Zéphyr est de vous habituer à grimper progressivement jusqu’à l’allure tempo et à la maintenir avec une pré-fatigue, tout en gardant la maîtrise et une marge de manœuvre.
Je me suis inspiré des séances de tempo run progressif, très utilisées en Afrique de l’Ouest chez les marathoniens par exemple. L’idée est de parvenir à monter très progressivement vers l‘allure Tempo (RPE7), que vous allez maintenir de plus en plus longtemps, avec une petite pré-fatigue des séquences précédentes.
L’idée est de faire monter la forme progressivement et de manière stable (c’est la principale vertu du tempo), et d’apprendre à identifier les nuances entre les différentes allures.
A qui Zéphyr est destiné ?
Il est plutôt destiné aux sportifs intermédiaires, s’entraînant régulièrement. Pour les sportifs débutants, apprendre à se gérer avec un protocole comme Chronos semble plus judicieux.
Pour les sportifs avancés, Zéphyr peut être utilisé en début de préparation, mais va peut-être atteindre ses limites (c’est pour cela que certains ont eu le bonheur, ou le malheur, c’est selon, de goûter au protocole Borée, qui reprend le même principe, avec une organisation un peu différente et des phases à RPE 8).
Ce ne sont que des préconisations : c’est votre logique d’entraînement qui devra vous dire à quel moment il est judicieux de la placer (et si d’ailleurs il est judicieux de l’utiliser).
Un exemple pour illustrer : j’écris cet article au lendemain de la Transju’trail, et j’ai intégré ce protocole à l’entraînement à la fois du vainqueur du 80km, de la troisième féminine du 42km ou encore à des sportifs qui avaient pour objectif de bien figurer ou simplement de terminer avec le maximum de plaisir les différentes épreuves, du 10 au 80km : je n’ai juste pas placé les séances de la même manière, ni terminé les protocoles avec tout le monde. C’est l’avantage avec les choses simples : on peut les intégrer facilement et jouer autour…
Pourquoi ça fonctionne ?
On passe du temps à haute intensité
La première raison est que Zéphyr permet de passer du temps haute intensité, temps qui va augmenter progressivement au fil des séances, sans forcément finir carbonisé après chaque séance. Cela devrait être le cas de la majorité des séances de haute intensité : le no pain no gain est un raccourci bien dangereux et souvent contre-productif à moyen-long terme.
Le fait de varier les allures à une intensité moyennement élevée, mais qui ne soit pas celle d’une tortue asthmatique permet également de travailler les capacités à optimiser le mix énergétique (glucides et lipides), puisque l’on va tourner à chaque fois autour des deux seuils lors de la même séance.
Variété spécialisée et adaptations
La seconde raison est que, en utilisant le RPE, il peut être pratiqué n’importe où : on peut continuer sa progression au fil des semaines sans se soucier de savoir si on aura le terrain idéal à disposition. À titre personnel, à 3 semaine d’intervalles, j’ai fait le grand écart entre une séance réalisée sur tapis roulant dans un hôtel en Corée du Sud, et une autre réalisée sur une sortie trail dans le Jura : bien sûr les contraintes sont différentes, mais l’esprit (affiner ses ressentis et augmenter le temps passé à haute intensité) est respecté, et on développe des compétences différentes en gardant le focus : c’est un concept que je trouve très pertinent, celui de variété spécialisée, très bien expliqué par Pavel Tsatsouline dans cet article.
On se prépare à la compétition…
La troisième raison, et non des moindres, est que l’entraînement a quand même pour but premier de se préparer à l’effort de compétition ! On l’oublie souvent, absorbés par la progression sur les facteurs de performance, mesurables, publiables et instagrammables… J’ai d’ailleurs eu un échange passionnant sur le sujet avec Fabrice Pellerin dans le podcast Endurance 30.
Or, faire la différence entre un 5 et un 7, et in fine savoir de quelle marge de manœuvre on dispose le jour J est une compétence fondamentale pour le sportif d’endurance (et c’est d’autant plus valable si l’effort s’allonge). Le petit Zéphyr est d’ailleurs assez fourbe : j’ai eu par exemple des retours de ce style (ce sont les retours après les trois premières séances, pour la même personne) :
(1) Je ne sais pas identifier mes zones RPE. Cramée au 1er tour. Relance difficile au 2nd (pas tenu le RPE 7) et après plus de jambes pour rentrer.
(2) Et ca l’a été difficile, de nouveau cramée dès le 1er cycle et je ne tiens pas le RPE 6 et 7. Donc impossible d’enchaîner.
(3)Je passe le RPE 5 et le RPE 6 sur les 2 tours et pour le RPE 7, franchement j’y suis presque mais je ne tiens sur pas la durée (c’est long 3 Min). Mais suis pas loin.
Ou encore de ce style :
Comme un zéphyr! Tu fais le premier cycle, tu te dis ça va! Tu fais le deuxième, on te maudit mais content de finir mais il restait du jus.
Bref, c’est de l’exploration au sens pur : dans ce type de protocole, et même, ne pas réussir totalement (en allant trop vite, ou pas assez sur certaines sessions) n’est pas un échec : c’est un pas de plus vers la connaissance ce soir.
Également, chez les coureurs de trail par exemple, apprendre à se déplacer rapidement à la fois en montée, à la relance, au plat et en descente est un enjeu de taille : on peut parfois acquérir ces compétences de manière dissociée, avec des séances spécifiques (cotes, descentes…) et parfois, il est intéressant de tout combiner : c’est ce qui risque de se produire à la compétition…
Or, lorsqu’au milieu de votre série de 5 minutes à RPE7, vous allez vous retrouver au sommet d’une descente, vous n’aurez pas d’autre choix que d’envoyer dans la descente pour maintenir l’intensité : vous verrez, vous allez y gagner.
Le protocole
Pour le télécharger, cliquez ici
Démarrez par 10 minutes RPE 2–3 et terminez par 5 à 10 minutes RPE 3.
L’idée est d’être essoufflé, mais de contrôler la respiration. Si la respiration vous contrôle, vous êtes trop vite ! La durée de récupération est égale à la moitié du temps de travail, et courue à RPE 2/3
Exemple avec la séance 1 :
Après les 10 minutes d’échauffement, vous allez courir :
3 minutes à RPE 5, et récupérer 1 minute 30
4 minutes à RPE 6, et récupérer 2 minutes
3 minutes à RPE 7, et récupérer 1 minute 30
Le tout deux fois (la seule pause entre les séries est les 1 minute 30 de la séquence de 3 minutes à RPE 7).
Et récupérer 5 à 10 minutes à RPE 3



